Encore un photoshoot, une séance programmée depuis des mois sur le thème des vacances, de la plage. Comme si on ne pouvait pas faire ça plus tard, comme s'ils faisaient leurs stocks des mois avants. Ceci dit, c'est sans doute ce qu'ils font, mais je maintiens mon avis : ils n'ont aucune compassion pour leurs modèles. Je sais pas, mais...On est des personnes réputées tout de même, j'ai toujours pensé qu'un mannequin était choyé, chouchouté, servi comme un prince et...Ouais d'accord, c'est stupide, mais là ils sont juste bons pour nous faire choper la crève. Héhé, ils savent pas à quoi ni à qui ils se frottent. Je jure que si je chope la crève ou le moindre rhume par leur faute, je porte plainte et je leur fais payer jusqu'à la fin de mes jours. Sérieux, me forcer à aller dans l'eau par ce temps... Il y a bien quelques intrépides plus loin qui bravent les basses températures pour plonger un pied dans l'eau, mais je vois de là qu'ils virent au schtroumpf et retournent sur leurs jolies serviettes pour se sécher et se rhabiller. Et moi ? Et moi je me gèle, obligé de faire genre que l'océan c'est trop cool, pour que ces mêmes personnes retournent acheter des bouées pour l'été. Monde injuste! Publique injuste! Clients injustes! Ils peuvent pas faire leur pub tout seuls et éviter aux pauvres hommes comme moi de choper la crève en hivers ? C'est suicidaire de se baigner par ce temps là.

Quelques clichés dans des potes laissant supposer que la plage c'est super, que les bouées c'est le bien, que les lunettes de soleil y'a rien de mieux et que j'ai entre les mains la meilleure marque de crème solaire, je profite d'une pause pour frémir, gelé. Je m'échappe vers un local abandonné plus loin servant autrefois comme magasin de souvenirs, et allume une clope pour me réchauffer. Les mains autour de ma clope tout juste allumée, adossé au mur, je jette de temps en temps un regard sur ma montre, guettant l'heure afin de ne pas louper ma reprise. Le métier n'est pas souple, et même si j'arrive aisément à me faire pardonner d'un regard menaçant, ça ne marche pas toujours et j'ai même faillir finir viré. J'évite donc d'en user au possible. Je me vois mal me balader en ville, jugé et critiqué par des gens accro à la mode et aux gens connus, aux modèles et tout ça. La pièce fermée, le briquet et la clope allumée, je profite du peu de chaleur qu'ils me prodiguent, uniquement habillé d'un short de bain et d'une chemise trempée, à laquelle j'ai ajoutée ma serviette de plage noire & feu pour me sentir davantage habillé. Mes quinze minutes écoulées, je quitte le local pour retourner là où se déroule le photoshoot, laissant ma clope éteinte et écrasée sur le sol. N'allez pas croire que se faire photographier est de tout repos : entre les prises ratées, les trucs qui ne leur conviennent jamais, les angles qu'il faut changer..On prend bien une à deux heure pour une même photo parfois. C'est frustrant.

J'aime mon boulot, j'aime être sous le feu des projecteurs, défiler pour une marque de vêtement spéciale, c'est ce que je me répète chaque fois que je passe devant un restaurant ou que je me prive de nourriture. ça m'aide à tenir, autrement j'engloutirai tout ce qui me passerait sous la main. Mais j'ai des limites. C'est pourquoi sur le coup de 16h, quand l'équipe se relais pour faire je ne sais trop quoi, lorsqu'un glacier s'installe dans mon champ de vue, je ne peux m'empêcher de soupirer, intéressé mais raisonnable. Du moins pas bien longtemps, j'ai faim, je n'ai rien mangé depuis hier soir, et j'adore les glaces. Mais c'est pas raisonnable. Ouais mais je ne suis pas raisonnable! Grr...Avant de m'en rendre compte j'ai déjà flanché pour aller faire la queue. J'ignore de combien de temps je dispose, mais j'espère que j'en aurais assez pour faire tout ce que j'ai prévu de faire : me réchauffer, manger ma glace, et prendre un minimum le soleil puisque même s'il fait froid, il est présent.

Une fois le cône en main, je déplace la serviette de mes épaules au sol afin de m'y asseoir, la caressant distraitement quelques secondes. J'ignore si c'est le hasard, le flair ou l'instinct qui me fait lever la tête au bon moment, mais au moment même où je pose mon regard sur une arrivante, je reconnais une silhouette familière. Un sourire satisfait s'étend sur mes lèvres et j'attends que la femme s'avance davantage sur la plage pour me relever, alors que je venais tout juste de m'asseoir. Park Mee Na, une femme qui m'a toujours impressionné et qui là encore me laisse sur le cul. Je ne sais pas exactement ce qui m'attire chez elle mais c'est comme ça, une attraction permanente qui me fait haïr son entourage, jaloux, envieux que je suis. Je me dirige vers elle, tentant de la surprendre mais la discretion n'a jamais été mon fort et je me place inconsciemment dans son champ de vision.
Près d'elle, super entrée en matière, je dépose de la glace sur son nez, sérieux au possible. J'espère que ma pause me permettra au moins d'avoir le temps de parler un peu avec elle. Ce serait con de repartir maintenant.
- « Hey, Park Mee Na. Qu'est-ce que tu fais là ? il fait froid non ? »
Je déteste ces regards curieux portés sur nous. Le fait que je sois en plein travail ne facilite pas les choses, mais fort heureusement je remercie la saison de n'avoir apporté que peu de monde sur la plage.

(je regresse, je regresse xx j'arrive plus à commencer un sujet. M'en veux pas Baby <3)

« When the Dog bites, people have scare. »